Confession publique à La Nouvelle Scène Gilles Desjardins
Confession publique quand la peau cesse de taire ses idées noires et de les cacher dans le fond de ses blancs de mémoire
Par José Claer
Imaginez si la Statue de la Liberté était une femme noire, et au lieu de cette torche de lumière qu’elle porte à bout de bras, il s’agissait d’une fronde composée d’un long cordon ombilical terminé en guise de roche, par un micro. Le micro de la rue. Le micro du cell qui leitmotiv le volume au max la voix de George Floyd inventant un nouveau slogan létal : « I can’t breathe ».
On a toujours parlé de l’arbre généalogique de l’homme blanc duquel, on descend, et si maintenant, on parlait de l’arbre gynécologique de la femme noire qui monte, stalagmite, et figure-de-proue, et presqu’il/iel et elle, sa nudité qui parle et porte tous les itinéraires strappés des corps de ses ancêtres. Psalmodiant une litanie de « Once upon a time… a little girl name Angie, » mais moi dans mon mauvais anglais, j’entends Ancien. Une fillette qui s’appellerait les Anciennes. Les antennes. De Angélique Willkie dont le spectacle coïte avec sa complice Mélanie Demers, est statuesque d’or pleinement réveillée, et nous inocule sa force à vif, la force majuscule de sa vulnérabilité de vulve nue, de seins malaxés pendant 174 coups de fouet.
C’est comme cela que commence la nouvelle Genèse : Angélique drummeuse-dreameuse en rut avec les rots de la musique pendant que sa servante blanche la déleste de son set de vacarmes complexes dont elle joue ambidextre, ne laissant à la fin que les cymbales représentant ses seins et la grosse caisse matricielle. C’est le marché aux esclandres, aux escales dans une île de Gorée où on égorge même nos silences. Les 3 âges de la femme. Ce corps dénudé n’est pas dénué de toute sexualité, il est noué à une pulsation, une voix-berceuse de nanny, la poitrine asymétrique de la nourrice, combien de générations aux tétées blanches? Mais au-delà d’une question historique de la couleur des peaux qui s’opposent, la tendance de l’artiste Angélique est de revisiter son parcours créateur sur scène, sa théâtralogie à même son corps, ses vergetures, ses genoux-nœuds, ses cheveux ras, ses rides, ce corps n’est pas en déboire, il nous donne à boire, à manger, à orgasmer des overdoses de malaises, de doutes ; et c’est tellement rassurant-rassasiant, au-delà des notions de races, de rafles, de rascals ou d’effaces, quand on cesse d’être écrit à la mine dans les livres d’écoles blanchies au lieu d’être caviardées.
Angélique Willkie ne danse pas. Elle est dense comme la danse de la derviche tourneure. Angélique Willkie ne chante pas. Elle est champ de croix blanches au milieu du stade de Sarajevo. Angélique Willkie n’est pas nue. Elle strip tease son âme à répétition et nous oblige à ne plus oublier que les afros-humains en ont aussi une. Une Histoire et un Avenir d’âme.
Ne faites pas qu’aller voir et entendre ce spectacle. Allez NAÎTRE avec l’artiste, c’est non un must, mais un much en plein sur le kisseur de l’Humanité faite femme.