Confinement 2020 : La parole aux artistes et aux travailleurs culturels
Ça fait maintenant plus d’un mois que la crise mondiale du coronavirus a entraînée la prise de mesures préventives visant à limiter les dégâts et que nous vivons en confinement, loin les uns des autres. Pour la majorité des gens isolés, les arts et la culture sont devenus la bouée de sauvetage qui divertit, qui permet de garder le moral et qui agit comme un baume sur l’âme. Pendant que la pandémie sévit, les artistes, les groupes et les organismes artistiques continuent de faire preuve de créativité en utilisant des moyens numériques pour partager leur art avec le monde. Une fois de plus, Le Pressoir leur donne la parole cette semaine afin de savoir ce qui les occupent et comment ils vivent cette nouvelle réalité confinée.
KWENDE KEFENTSE, DJ et travailleur culturel
Kwende Kefentse n’est pas du genre à chômer. Une personne influente et dynamique de la région de la capitale nationale, il jongle toujours plusieurs projets simultanément et ne semble jamais vouloir s’arrêter. La pandémie actuelle n’a donc pas trop chambouler son style de vie, lui qui continue de travailler à distance pour la Ville d’Ottawa en plus de poursuivre l’initiative TIMEKODE depuis son studio maison. En toute franchise, celui qu’on connaît mieux sous le nom de DJ Memetic nous confie que son mode de vie habituel lui a permit de très bien s’adapter à la crise que l’on vit, qu’il qualifie de grand défi. Il se considère néanmoins privilégier de faire partie de ceux et celles pouvant faire du télétravail. En tant que fonctionnaire, Kefentse travaille en politique culturelle pour la Ville d’Ottawa, un emploi stimulant qui prend un tout nouveau sens en ces temps incertains pour les arts et la culture. Chose certaine : ça le tient occupé.
Pour ce qui est de TIMEKODE, DJ Memetic s’est donné comme mission de continuer à faire danser les gens pendant le confinement avec ce que lui et son acolyte DJ Zattar appellent le TK Community Spread. Il faut savoir que TIMEKODE est un rassemblement mensuel qui, avec le temps, est devenue la soirée dansante existant depuis le plus longtemps à Ottawa. Fondée en 2005, cette soirée inclusive permet aux amoureux de musique de se retrouver sur le plancher de danse une fois par mois pour se déhancher et socialiser. Memetic et Zattar avaient commencé à diffuser certains partys en ligne depuis quelques années; la pandémie les a simplement poussée à poursuivre ce virage numérique en accéléré. Ces jours-ci, Memetic passe donc le plus clair de son temps dans son studio à réfléchir à de nouvelles idées, à se laisser inspirer, à créer et à diffuser du contenu en ligne.
Cela dit, pour maintenir l’équilibre et rattraper le temps perdu, cet amateur de dessins animés regarde des séries comme Mike Tyson Mysteries, Tales From The Tourbus, Our Cartoon President et Primal qu’il nous encourage d’ailleurs à découvrir. Il en profite aussi pour lire, pour prendre des marches nocturnes et matinales et pour écrire des articles sur l’impact de la COVID-19 sur l’industrie de la musique.
Kefentse sait clairement tirer le meilleur parti possible d'une mauvaise situation et on est reconnaissants de pouvoir continuer à danser dans nos salons grâce à son sens de l’initiative et sa vision.
ZARA, photographe et organisatrice communautaire
Même si vous ne connaissez pas Zara personnellement, il y a de fortes chances que vous l’ayez croisé dans la rue ou dans une pub, surement sur son vélo rose bonbon. Il y a son webzine XOVELO qui marie l’art, le design et la culture de vélo, incluant un compte Instagram avec près de 10 000 abonnés. Elle est également artiste visuelle, photographe, organisatrice communautaire, patineuse à roulettes, et plus encore. C’est une personne passionnée et créative qu’on a la chance d’avoir ici, à Ottawa-Gatineau. Juste avant les débuts de cette pandémie, Zara préparait un voyage à Tokyo pour les Jeux Olympiques. Évidemment, ses plans ont changé. Voici comment elle vit la quarantaine, dans ses propres mots :
« Ça fait plus d’un mois que je suis en isolation. J’ai dû commencer une semaine avant les instructions officielles puisque j’avais voyagé à travers le Canada et passé par plusieurs aéroports, donc mon travail m’a demandé de me faire dépister et rester à la maison. Pour les premières semaines je suis devenue une vraie junkie des nouvelles, constamment sur les sites de nouvelles. Après quelques semaines j’ai décidé de me limiter à deux fois par jour et de consacrer le reste de mon temps à me distraire autrement.
Rester à la maison m’a permis de redécouvrir tous les projets que j’avais mis de côté. J’avais une pile de livres sur ma table de chevet qui ne faisait que ramasser de la poussière. J’ai commencé à peindre encore, ça m’aide à me mettre dans un état méditatif. Je retouche l’arriéré de photos que j’ai pour XOVELO. Je crée des vidéos inutiles pour Instagram qui me divertissent. La personne avec qui j’habite fait du maquillage, donc on fait des photoshoots ensemble avec des items qu’on trouve autour de la maison. Je me suis inscrite à quelques cours en ligne pour occuper mon cerveau ; on trouve beaucoup de rabais en ce moment donc j’en profite. Je cuisine beaucoup et j’expérimente dans la cuisine, chose que je faisais guère puisque j’étais toujours occupée. Même si j’ai une télé et un compte Netflix, que j’utilise rarement, je préfère écouter plus de musique, créer de l’art et me tenir occupée avec des projets créatifs. Afin de rester en forme je fais du saut à la corde devant ma maison ou je prends des marches. Quand la météo le permettra j’espère reprendre mon vélo.
Finalement, cette période d’isolement me permet de ralentir et de me concentrer sur ce qui est important dans ma vie. Avec son imagination, il n’y a pas de limites. »
DINORAH CATZALCO, artiste visuelle et travailleuse culturelle
Dinorah Catzalco est une artiste en arts visuels dont le talent dépasse largement les frontières de la région. Ses oeuvres sont colorées et son travail permet souvent de mettre en lumière une dualité humaine et animale saisissante et imposante. Ses oeuvres renferment plusieurs couches; elles sont à caractère multidimensionnel.
Le jour de l’annonce de la fermeture des écoles et des mesures sérieuses de distanciation sociale, elle devait se rendre à Montréal pour faire le démontage de son exposition Le bestiaire du rêve à la Maison de la culture Mercier. Le chemin du retour vers Gatineau s’est avéré un déferlement de questions sur toutes les expositions qui étaient prévues, mais aussi sur l’impact que cette crise aurait sur ses propres projets. Membre d’un groupe de trois artistes ayant récemment obtenu une subvention avec le Conseil des arts de Montréal pour faire une tournée de l’exposition Codex, la traversée du silence , le calendrier d’exposition allait être chamboulé.
« Ça m’a vraiment attristée de voir le monde des arts et de la culture être frappés de plein fouet par cette crise. Mais à la fois j’ai tout de suite vu une grande solidarité qui m’a donné beaucoup d’espoir. C’est impressionnant de constater l’ingéniosité des moyens utilisés et la solidarité unissant les gens malgré les frontières physiques. »
En plus de sa carrière en arts visuels, Dinorah occupe deux autres emplois pour joindre tous les bouts de son budget. L’un au centre d’exposition Art-image de la maison de la culture de Gatineau où elle présente des ateliers et des expositions d’art contemporain aux élèves du primaire et l’autre, dans les bibliothèques de la Ville de Gatineau. Mère d’un enfant de huit ans et forcée de rester à la maison, la prestation canadienne d’urgence agit présentement comme un baume … pour le moment.
La pandémie, déclencheur de l’esprit
Positive et résiliente, sa perspective sur la crise dépasse son propre confort : « Il faut comprendre que nous sommes privilégiés comparativement à d’autres pays qui n’ont pas les mêmes conditions de vie que nous avons ici. Je suis d’origine mexicaine et lorsque je vois la réalité là-bas, où le confinement est un luxe que ne peuvent pas se permettre les moins nantis, ça me donne la chair de poule. » Tiré d’un article paru dans La Presse qui reprend les mots d’Alain Deneault, Dinorah s’est laissé transporter par l’idée que « cette pandémie agit comme un déclencheur de l’esprit ».
En guise de recommandations culturelles, Dinorah nous invite à explorer le monde merveilleux de l’argile en se joignant à des cours de poterie en ligne. Le matériel est même livré à votre porte! Intéressant! Pour info, contactez Marie-Pierre Drolet chez muraï céramique. En plus d’appuyer les incitatifs à consommer localement, elle recommande la lecture, et pas n’importe laquelle, le dernier essai d’Alain Deneault intitulé La médiocratie qui dénonce la perte de la pensée critique et la montée de la médiocrité …