Artiste en (dé)confinement : Elizabeth Emond-Stevenson
Par Cindy Savard
Parmi les disciplines artistiques les plus anciennes, la danse s’érige dans l’histoire de l’art comme l’une des premières formes de créativité humaine, une pratique qui n’a jamais cessé d’évoluer ni de s’adapter, et ce depuis la préhistoire. Bien entendu, ce secteur n’échappe pas aux tumultes occasionnés par la crise de la Covid et force est de constater qu’on entend peu parler des réflexions qui s’opèrent dans cette communauté qui pourtant, cohabite de façon si complémentaire avec les autres disciplines artistiques.
Afin de plonger au coeur de la réalité du monde de la danse et de souligner le dynamisme du mouvement qui s’opère dans notre région, nous sommes allés à la rencontre d’une artiste reconnue et dédiée à cette forme d’art, Elizabeth Emond-Stevenson. Chorégraphe, interprète, productrice et enseignante, elle a travaillé sur de nombreux projets multidisciplinaires en danse et en théâtre en plus d’avoir performé sur plusieurs productions dont The Ghomeshi Effect de Jessica Ruano; That choreographs us de B.L.eux, la pièce Flesh & Spokes de Renata Soutter (Propeller Dance) et Yvonne Coutts dans le cadre du Festival Danse Canada. Ayant mis sur pied TAKE UP SPACE, un espace de collaboration artistique voué à questionner le processus de création et de performance, elle est aussi fortement engagée dans sa communauté. En collaboration avec Propeller Dance, elle a initié une rencontre en août dernier pour réunir les acteurs du milieu et ouvrir la discussion sur le futur de la danse, dans le contexte bien particulier de l’ère post confinement.
« La Covid aura entraîné cette opportunité de rencontre du milieu de la danse. J’ai beaucoup d’espoir, la danse existe depuis toujours, elle va continuer d’exister même si c’est différent. Il faut changer nos modes de partage et de présentation. »
Cette rencontre fut l’occasion d’échanger et surtout, de réunir une vingtaine de personnes dont des artistes, interprètes, chorégraphes, enseignants, producteurs, des représentants d’organisations liées à la danse. L’idée était de discuter de l’avenir et de trouver des solutions, ensemble pour trouver comment faire pour se supporter, garder la communauté en vie, être résilient, utiliser la créativité comme force puissante, partager des infos et les ressources, aider les artistes et la communauté et d’agir auprès des populations plus vulnérables.
« Pour notre communauté de danse, c’était une première occasion pour se réunir ensemble. Il y avait des opportunités similaires avec le Regroupement québécois de la danse et l’Assemblée canadienne de la danse mais on a voulu concentrer la discussion autour de Ottawa-Gatineau. »
L’instant d’une première rencontre, la discussion fut riche, à tel point qu’une série de réunions sera nécessaire pour approfondir chacun des points et planifier un plan d’action. Parmi les points abordés, la diversification des pratiques pourrait permettre d’adapter cette discipline au contexte actuel :
« Les nouvelles créations vont être axées sur des solos et des duos. Il faudra incorporer la distanciation sociale dans nos concepts de création, ce qui n’est pas impossible! »
Quant au besoin crucial de perfectionner les mouvements et de poursuivre des entraînements, la communauté avait comme point commun de créer des occasions extérieures pour s’activer ensemble. D’ailleurs, à partir du 14 septembre, Elizabeth a lancé une nouvelle initiative, des cours sont offerts via TAKE UP SPACE en formule hybride, voilà que cette discipline se réanime, vivement au fil du temps la créativité et l’adaptabilité l’emportent sur les barrières sanitaires.
Même si Elizabeth est optimiste, le futur qu’elle entrevoit pour le monde de la danse devra assurément considérer les manques à combler qui coexistaient déjà dans le milieu avant la crise de santé publique :
« On souhaite représenter la diversité mais il reste beaucoup de travail à faire. On a beaucoup de leaders femmes mais on est encore beaucoup isolées. On a beaucoup à apprendre sur la suprématie blanche et sur le racisme systémique. »
Dynamique et passionnée, Elizabeth a participé à des initiatives créatives au cours de l’été via Zoom en collaboration avec des musiciens et d’autres danseurs, le projet dream & true north fut l’occasion de renouer avec la danse en formule virtuelle. Au cours de l’été, elle a animé un panel sur la danse dans le cadre de UPROAR, un nouveau festival d'arts multidisciplinaire à Ottawa mettant en vedette des œuvres de femmes cis et trans et d'artistes non binaires à Ottawa. Au cours de l’été, elle s’est également investie dans le projet disdance / disdanse, une initiative d’art public pour les résidents du quartier de Cumberland qu’elle a créé grâce au projet pilote Microcosm du Programme d’art public de la Ville d’Ottawa. Une expérience humaine et accessible au grand public, offert en français et en anglais, les gens étaient invités à s’inscrire pour voir raconter leur histoire à travers le mouvement. Dans ce projet, Elizabeth avait le rôle de guider les personnes sélectionnées dans la création, le tout en formule tête à tête, avec distanciation, bien évidemment.
Espérons-le, la communauté de danse saura tirer profit du contexte et ressurgir de cette crise avec des initiatives adaptées et accessibles. D’ailleurs pour en apprendre davantage sur l’effervescence qui s’opère dans milieu de la danse dans la région, écoutez l’émission dédiée à la danse, le quatrième épisode issu de la série produite pour l’événement éphémère Radio-Hull.
Elizabeth Emond-Stevenson a accepté de répondre à notre questionnaire, voici ce qu’elle suggère :
Un livre à lire qui, selon toi, donne espoir : In the Skin of a Lion de Michael Ondaatje
Une émission web ou une série télé à regarder : Portlandia
Un album à écouter : Flesh and Machine de Daniel Lanois
Une série balado à écouter : Unlocking Us avec Brené Brown
Un film qui t’a accroché : Amazing Grace (Aretha Franklin)
Une initiative virtuelle qui mérite d'être connue : Understory
Un classique à revisiter : Fame, le film de 1980
Une personnalité qui mérite d’être suivie : Kim Senklip Harvey
Une activité quotidienne essentielle : Marcher ou faire du vélo dehors